Faire avancer la science en participant à des essais cliniques
Cet article est extrait du CHUMagazine – Automne 2023
Nicole Guénard et Sylvain Paiement ne se connaissent pas, et pourtant, leurs histoires se ressemblent. Diagnostic de cancer de stade 4 en pleine pandémie. Il reste à Nicole entre une et quatre années de vie. À Sylvain, entre six mois et un an. Leur destin leur réserve toutefois une ultime chance : celle de participer à un essai clinique au CHUM. Trois ans après leur diagnostic, les deux sont en rémission. Nous les rencontrons débordants d’énergie lors de leur passage à l’Unité d’innovations thérapeutiques (UIT), où ont eu lieu les essais cliniques.
« C’est grâce à la recherche que je peux vous parler aujourd’hui. »
La maladie? Sylvain Paiement ne sait pas ce que c’est. Ses proches le surnomment Pepper, car son nom rappelle le piment… Sylvain est énergique, travaillant et rassembleur. Du genre à organiser une fête avec une centaine de convives! Mais au printemps 2020, la biopsie d’une petite bosse sous un œil dévoile un mélanome (cancer de la peau) et vient bouleverser sa vie.
Le mélanome est opéré. Cela ne freine pas le cancer, qui atteint une glande salivaire, à son tour enlevée, puis le cou… Cette nouvelle tumeur, grosse comme une balle de golf, n’est pas résécable (opérable). Son hémato-oncologue, la Dre Rahima Jamal, lui propose de participer à un essai clinique. Il accepte, se disant qu’il met toutes les chances de son côté. « J’avais 52 ans, mon but était de me rendre à 60 ans. Je me suis dit que j’allais me battre », et ce, même si l’on ne peut pas prédire les chances de succès.
Entre bonnes mains
Pendant deux ans, Sylvain reçoit un traitement d’immunothérapie et une transplantation fécale1. Sa famille, ses proches et le personnel de l’entreprise qu’il dirige le soutiennent et portent le flambeau pendant qu’il se consacre le plus possible à sa santé. « J’ai eu le privilège d’avoir la Dre Jamal et Camille. Ce sont deux femmes exceptionnelles, j’étais entre bonnes mains. On ne sait pas ce que c’est tant qu’on ne le vit pas. »
« Tant que tu n’es pas concerné, tu donnes un peu à la recherche, mais tu ne vois pas l’importance que ça peut avoir.! »
— Sylvain Paiement, patient
Les résultats positifs arrivent rapidement. Quelques jours après le début des traitements, la bosse au cou commence à ramollir, puis à rapetisser. « Six mois après le début du traitement, c’était fini. » Comme il supporte bien le traitement, il décide de se rendre au bout de l’essai clinique, jusqu’en janvier 2023, où il est considéré comme en rémission complète. Il sait que le cancer peut revenir dans un an, dans 10 ans, ou même plus… Mais il sera toujours prêt à se battre. Il croise les doigts et s’étonne encore de ce que la recherche en santé peut réaliser. « L’immunothérapie, je peux comprendre… Mais des pilules de caca, c’est incroyable qu’ils aient pensé à ça! »
L’audace de chercher plus loin
« Pour quelqu’un qui veut gagner du temps et faire avancer la science, il ne faut pas hésiter. » Juillet 2020. Nicole Guénard, fin cinquantaine, n’en peut plus de ces douleurs aux intestins, qui ont commencé six mois plus tôt en revenant d’un voyage dans le Sud. Des antibiotiques contre une bactérie qu’elle y aurait peut-être attrapée n’ont pas vraiment aidé. Elle attend une coloscopie depuis l’hiver. Elle rappelle son médecin, qui lui conseille d’aller à l’urgence près de chez elle, sur la Rive-Sud de Montréal. Après quelques tests, on lui apprend qu’elle a un cancer avancé et qu’il faut lui enlever le côlon ascendant sans attendre. « Je suis partie à l’urgence avec mon petit sac à dos… Et je suis rentrée à la maison deux semaines plus tard. »
Après trois traitements de chimiothérapie, il faut se rendre à l’évidence : ça ne fonctionne pas. Des métastases sont apparues. Son spécialiste lui propose d’aller en soins palliatifs ou d’essayer de participer à un essai clinique. Nicole choisit la deuxième option. « Je me suis jetée dans le vide… Ou, devrais-je dire, dans les bras d’un tas de gens qui peuvent m’aider! » L’équipe de l’UIT l’enrôle dans une thérapie ciblée (qui vise des molécules spécifiques, présentes sur ou dans les cellules cancéreuses), en combinaison avec de l’immunothérapie.
« On était rendus au bout de ce qui était possible, aussi bien essayer… Tant que les médicaments ne seront pas testés sur des humains, on ne pourra pas savoir s’ils fonctionnent. »
— Nicole Guénard, patiente
Elle sait ce qui l’attend — on a pris soin de tout lui expliquer. Les risques de complication, les tests à faire, les probabilités de ne pas s’en sortir malgré tout, les questions auxquelles l’essai clinique tente de répondre. « Ce ne sont pas des magiciens, dit-elle, mais ils vont aller jusqu’où ils peuvent, pour que ça aide d’autres gens ensuite. » En trois mois, les progrès sont visibles.
Les journées où elle se rend à l’UIT ne sont pas toutes faciles. Elle s’y sent prise en charge et bien entourée (elle n’a que de bons mots pour son infirmière, Camille Amiel, et la Dre Jamal), mais il lui arrive de se demander si ça vaut la peine de continuer. Puis, elle se dit que c’est la science qui permet d’avancer. Après un an, on arrête le traitement à cause d’un risque de thrombose. Néanmoins, quelques semaines plus tard, on lui confirme qu’elle est en rémission complète! Ce jour-là, pour Nicole, la devise du Centre de recherche du CHUM, L’audace de chercher plus loin, prend tout son sens.
Une contribution essentielle
« Je me raccroche aux belles histoires. »
La Dre Rahima Jamal est chercheuse et directrice de l’UIT, « une unité parmi d’autres qui font des essais cliniques au CHUM », tient-elle à préciser. Les probabilités de trouver une molécule qui fonctionne, lors des essais cliniques de phase 1 en oncologie, sont de 10 % à 15 % environ… Les histoires à succès comme celles de Nicole et de Sylvain ressortent donc du lot. Et c’est tant mieux, car c’est ce qui la pousse à toujours chercher plus loin! C’est grâce à la recherche clinique, souligne-t-elle, à laquelle la contribution des patientes et des patients est essentielle, qu’on peut faire avancer la science.
Pourquoi une personne voudrait-elle participer à un essai clinique? Pour de multiples raisons, explique la Dre Jamal. Parce que les options thérapeutiques habituelles n’ont pas donné le résultat escompté et que l’on espère tomber sur une molécule active qui fonctionnera. Par altruisme, aussi… « Si cela ne m’aide pas, au moins, ça en aidera d’autres », se disent plusieurs. Ou pour avoir l’impression d’être dans l’équipe, de faire partie de la solution.
« Je pense souvent aux patientes et aux patients que je traitais pour des mélanomes, il y a une douzaine d’années. Je me rappelle leurs noms. Il m’arrive de me dire que s’ils avaient été malades aujourd’hui, ils auraient eu une chance sur deux de s’en sortir. »
Des profils très spécifiques
L’UIT reçoit annuellement des centaines de demandes d’évaluation pour des essais cliniques de phase 1. Elles proviennent d’un peu partout sur la planète — ce qui permet à l’UIT d’offrir des traitements de calibre mondial auxquels il ne serait pas possible d’accéder autrement.
Encore faut-il trouver rapidement des patientes et des patients qui correspondent aux nombreux critères spécifiés dans le protocole de l’essai… Seules quelques personnes conviendront. L’UIT réussit, à force de détermination, à obtenir une cinquantaine de places par année pour la population québécoise qu’elle sert.
Pour en savoir plus sur l’UIT, rendez-vous ici.
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