Cet article est extrait du CHUMAGAZINE - été 2023
Les journées sont rendues insupportables. La nuit, c’est encore pire. Une pilule n’attend pas l’autre et pourtant, les symptômes s’accumulent. Daniel Morasse, atteint de la maladie de Parkinson, a même commencé à s’informer sur l’aide médicale à mourir. Mais son médecin lui annonce qu’il pourrait peut-être bénéficier d’une opération pratiquée au CHUM : l’implantation d’électrodes dans le cerveau.
La stimulation intracérébrale — c’est le nom plus scientifique donné à ce type de chirurgie — ne convient pas à tout le monde. Mais l’historique médical de Daniel Morasse, 65 ans, permet d’espérer une réussite. Le Dr Nicolas Jodoin, neurologue, prend soin de lui expliquer les risques et les avantages possibles, les prochaines étapes. Avec l’équipe multidisciplinaire de la clinique des troubles du mouvement André-Barbeau du CHUM (physiothérapie, neuropsychologie, psychiatrie, soins infirmiers, etc.), il organise une multitude de tests. Si tout se déroule bien, les électrodes aideront à contrôler des symptômes comme les tremblements, la lenteur des mouvements, ou les spasmes musculaires.
La maladie de Parkinson tourmente Daniel Morasse depuis plusieurs années. Trouble du sommeil, fatigue, faiblesse dans les jambes, vertige, tremblements au repos, crampes… « Prendre une douche était rendu dangereux, raconte-t-il. J’avais tellement de symptômes que j’ai dû emménager dans une RPA [résidence pour personnes âgées] ». Il en a assez des opioïdes pour calmer la douleur provoquée par les spasmes. Il se lance, faisant confiance à la science et à l’équipe multidisciplinaire de la clinique.
« Me faire jouer dans le cerveau? Jamais de la vie! Mais à un moment donné, je n’avais juste plus de plaisir dans la vie. J’ai dit : d’accord. Je suis prêt. »
- Daniel Morasse, patient
Réveillé pendant l’opération
La Dre Marie-Pierre Fournier-Gosselin, neurochirurgienne, procède à l’implantation. Son calme et son expertise (elle réalise une douzaine d’interventions de ce genre chaque année) rassurent le patient. Puisque le cerveau ne ressent aucune douleur, seul le cuir chevelu est anesthésié pour la première partie de l’opération. Après avoir enlevé un petit morceau d’os, la chirurgienne insère des fils métalliques jusqu’aux zones devant être stimulées par le courant électrique. Sur l’écran qui surplombe la table d’opération, des images montrent l’emplacement exact des électrodes.
Pour que les électrodes soient placées avec précision, la tête de Daniel Morasse est immobilisée durant l’opération. Il est sous sédation pendant la plus grande partie de cette longue chirurgie. Il est réveillé et conscient par moments, pour répondre aux questions de sa neurochirurgienne. Ainsi, elle peut tester l’effet des électrodes.
Ensuite, on relie les électrodes en passant un fil dans le cou, jusqu’à un boîtier qu’on installe sur la poitrine, un peu comme un stimulateur cardiaque (pacemaker). Le courant ne sera branché qu’un mois plus tard, une fois que la guérison est bien faite. Puis, on referme la boîte crânienne avec un capuchon et on recoud le cuir chevelu. Il ne restera qu’une légère bosse et une petite cicatrice. N’ayez crainte : cette étape se fait sous anesthésie générale!
« On ne guérit pas, mais on joue sur la qualité de vie. On améliore le bien-être général. On diminue la médication. La charge des aidants naturels est amoindrie. Il faut voir ça comme un investissement dans la santé ».
- Dre Marie-Pierre Fournier-Gosselin, neurochirurgienne.
Avoir du contrôle sur ses symptômes
La stimulation intracérébrale est une intervention chirurgicale exigeante. L’hospitalisation, toutefois, n’est que de quelques jours et la guérison est rapide. Trois jours après avoir reçu son congé, Daniel Morasse impressionne ses proches en prenant le métro seul pour aller faire un don de sang. Même si l’électricité ne circule pas encore dans ses électrodes, il profite de l’effet dit lésionnel de l’opération. L’enflure locale qu’elle provoque peut simuler l’effet des électrodes pendant quelque temps. Mais déjà, le patient entrevoit une vie sous un meilleur jour.
Un mois plus tard, le Dr Jodoin revient en scène. C’est lui qui programme et ajuste les paramètres du stimulateur à l’aide d’un ordinateur. Daniel Morasse aura lui aussi un certain contrôle sur la force des impulsions électriques, avec une sorte de télécommande qu’il transporte partout où il va. Dans quelques années, il faudra remplacer la batterie du stimulateur lors d’une intervention mineure.
Mordre à pleines dents dans la vie!
« Les électrodes, précise la Dre Fournier-Gosselin, sont un peu comme de la lévodopa électronique [un médicament contre la maladie de Parkinson] ». Elles rétablissent, en quelque sorte, la perte de dopamine, un messager chimique dans le cerveau qui est perturbé par la maladie. La dopamine joue un rôle dans le contrôle du mouvement, le sommeil, le plaisir, la motivation…
On comprend pourquoi Daniel Morasse recommence à vivre pleinement! « Tous mes symptômes sont partis, sauf une petite fatigue », se réjouit-il, ajoutant qu’il ignore comment il va dépenser toute cette nouvelle énergie. Il réalise bien que sa maladie continue à progresser, mais il se concentre sur le bien-être retrouvé. Il croit que la médecine trouvera plus de solutions à cette maladie dont les causes ne sont pas encore tout à fait claires.
Daniel Morasse reprend l’entraînement physique — il adore le tennis et le vélo, qu’il a dû délaisser. Il dit au revoir à sa RPA pour retourner vivre dans un nouveau chez-lui. Il envisage même de travailler à temps partiel ou, à tout le moins, de faire du bénévolat. Une résolution qui ne surprend pas sa neurochirurgienne : « Il est tellement généreux, ce patient! Il a même accepté de participer à un documentaire, de se faire filmer pendant son opération, qui est un moment de grande vulnérabilité. »
En parler, c’est important!
Offrir un peu d’espoir, telle est la motivation de Daniel Morasse en parlant de son vécu. « Ce n’est pas tout le monde qui est un bon candidat pour cette opération. Mais il faut faire confiance à la médecine, à la science. »
C’est peut-être, aussi, une façon de passer le message à toute personne qui souffre en silence. Par orgueil, il a caché sa maladie à son entourage pendant des années. Jusqu’à ce que les symptômes ne puissent plus être camouflés par la médication… « Si c’était à refaire, je le dirais tout de suite. Ta famille, tes amis, c’est un réseau de soutien dont il ne faut pas se priver. »
Une clinique consacrée aux troubles du mouvement
L’équipe multidisciplinaire qui prend en charge des cas comme celui de Daniel Morasse est composée de sept neurologues et d’une quinzaine de spécialistes cliniques et de recherche. Près de 3 000 visites y sont effectuées annuellement. La clinique porte le nom d’Unité des troubles du mouvement André-Barbeau, en l’honneur d’un grand neurologue québécois.
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De l'électricité dans le cerveau pour contrôler les mouvements