Un acide aminé est une molécule qui contient les groupements fonctionnels carboxyle (COOH; la partie acide) et amine (un atome d’azote lié à au moins un atome de carbone). Parmi ces molécules, une vingtaine sont dits protéinogènes et servent à la biosynthèse des peptides et des protéines. Le rôle biologique des acides aminés ne se limite toutefois pas à la synthèse protéique. Certains sont utilisables comme source d’énergie. D’autres sont des neurotransmetteurs, comme le glutamate et la glycine. D’autres encore régulent l’activité métabolique, comme l’alanine qui inhibe l’activité de l’enzyme pyruvate kinase dans le foie. Avec leurs nombreux rôles, les acides aminés deviennent parfois des biomarqueurs de maladie. La concentration plasmatique de trois acides aminés (isoleucine, phénylalanine et tyrosine) aurait, par exemple, une valeur prédictive pour le développement du diabète de type 2 (1).
La méthode utilisée au CRCHUM pour doser les acides aminés permet de quantifier 18 des 20 acides aminés protéinogènes standards (tous sauf l’aspartate et la cystéine), ainsi que la citrulline, l’ornithine, la carnitine et la taurine, un dérivé d’acide aminé (Fig. 1).
Il existe plusieurs méthodes pour doser les acides aminés. Des méthodes biochimiques (colorimétriques ou fluorométriques) ont été développées pour quantifier individuellement la plupart des acides aminés. Des trousses existent également pour le dosage de l’ensemble des acides aminés branchés (leucine, isoleucine, valine) ou de l’ensemble des acides aminés, sans toutefois les distinguer individuellement. La valine peut aussi être quantifiée à l’aide d’une trousse par méthode immunologique (ELISA). Ces méthodes ne permettent toutefois pas de quantifier individuellement plus d’un acide aminé à la fois. Pour y arriver il faut utiliser la résonnance magnétique nucléaire (RMN) ou séparer les acides aminés à l’aide d’une méthode chromatographique avant de les détecter.
Parmi les approches de séparation existantes on retrouve la chromatographie liquide à haute performance (high performance liquid chromatography (HPLC ou LC) en anglais), la chromatographie gazeuse (GC) et l’électrophorèse capillaire. En modifiant chimiquement (dérivatisation) les acides aminés, il est possible de les rendre détectables par absorbance ou fluorescence. La séparation peut ainsi être couplée à une détection par absorbance dans l’ultraviolet (UV). La méthode d’analyse par HPLC-UV est sans doute la méthode la plus répandue pour doser les acides aminés, mais d’autres modes de détection existent dont la spectrométrie de masse. C’est ce dernier mode de détection, suivant une séparation par HPLC qui a été choisi à la plateforme de métabolomique du CRCHUM pour doser les acides aminés, c’est-à-dire une séparation par chromatographie liquide (LC-), couplée à une détection par spectrométrie de masse en tandem (MS/MS).
La méthode de dosage LC-MS/MS employée au CRCHUM permet d’obtenir des valeurs absolues de concentrations plasmatiques (par exemple en millimole par litre). Les acides aminés sont extraits du plasma et directement analysés, sans concentration ni modification chimique. Deux standards internes sont ajoutés aux échantillons pour diminuer la variabilité introduite par la préparation des échantillons et les étapes d’analyse. Ces standards internes sont des acides aminés (d5-glutamine et d5-glutamate) marqués au deutérium, un isotope stable de l’hydrogène. Les acides aminés restent composés des mêmes atomes, mais leur masse est différente (+5 Dalton ici). La méthode a été développée pour le plasma, mais permet aussi de quantifier le contenu en acides aminés de cellules en culture ou de tissu.
Par rapport aux méthodes biochimiques et immunologiques, l’approche par LC-MS/MS a l’avantage de doser simultanément une grande quantité d’acides aminés plutôt que d’en doser un seul ou un petit groupe, sans distinguer les membres du groupe. Considérant le coût d’une trousse (> 500 $ / 96 points), l’utilisation d’une analyse par LC-MS/MS devient avantageuse à partir de trois acides aminés dosés (sur la base de 40 échantillons dosés en duplicata/plaque, si la plaque est utilisée au complet). Par rapport à la méthode par HPLC-UV, l’analyse par LC-MS/MS est plus rapide (il n’est pas nécessaire de modifier chimiquement les acides aminés), plus spécifique et peut aussi être plus sensible. Lorsque l’absorbance est mesurée, le détecteur ne distingue pas les différentes molécules, l’identification se fait seulement sur la base du temps de rétention observé durant la séparation chromatographique. Avec la spectrométrie de masse en tandem, l’identité des acides aminés est confirmée par la masse de l’acide aminé et celle d’un ou de plusieurs fragments.
Le dosage des acides aminés effectué au CRCHUM se fait sur 10 µL de plasma ou, pour des cellules en culture, sur un tapis cellulaire confluant d’environ 10 cm2 (1 puit d’une plaque 6 puits). Les résultats finaux sont exprimés en millimole par litre (mM) pour les échantillons plasmatiques ou en nanomole par milligramme (nmol/mg) de protéines pour les échantillons de cellules en culture.
La plateforme de métabolomique du CRCHUM possède deux appareils LC-MS/MS, constitués d’un système de chromatographie liquide à ultra-haute performance Nexera X2 (Shimadzu) et d’un spectromètre de masse de type triple quadripôle (QTrap 6500 et 4000 QTrap; SCIEX).
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Bibliographie
1) Wang TJ et al. Metabolite profiles and the risk of developing diabetes. Nat Med 2011, 17:448-53
Le dosage des acides aminés plasmatiques par LC-MS/MS
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L'écho des plateformes