Vivre à Montréal? Un concours de circonstances. Étudier le VIH? Un coup de cœur depuis le secondaire. Pour Augustine Fert, l’envie d’aider son prochain résonne dans son ADN. Cette note empathique vibre au diapason avec les travaux de recherche qu’elle mène au sein de l’équipe dirigée par Petronela Ancuta, chercheuse au sein de l’axe Immunopathologie.
Augustine Fert a l’humilité des coureuses de fond. La ligne d’arrivée au loin, les kilomètres défilent comme autant de petites victoires. Pour elle, les étapes se sont succédé l’une après l’autre jusqu’au doctorat, depuis son brevet de technicien supérieur en analyses de biologie médicale en passant par un master en génétique et en biologie cellulaire obtenu à l’Université de Lyon en France.
Aujourd’hui en dernière année de doctorat, la jeune chercheuse, spécialisée en virologie, a parfois l’impression d’avoir vécu un vrai marathon. La vie de doctorante demande beaucoup d’endurance et de résilience.
AU CRCHUM, un lieu où la virologie est en effervescence, elle a trouvé sa place.
Les Th17 en ligne de mire
Si la thérapie antirétrovirale a permis d’améliorer la santé des personnes séropositives, elles ont cependant plus de risque de développer des complications associées à la chronicité de l’inflammation, comme les maladies cardiovasculaires.
Ces problèmes de santé sont notamment dus aux réservoirs viraux dans lesquels le VIH persiste et à l’activation constante du système immunitaire.
« Je cherche à comprendre pourquoi les lymphocytes Th17, des cellules proinflammatoires, sont plus permissifs au VIH que d’autres types de lymphocytes. »
L’équipe de Petronela Ancuta a démontré dans de précédents travaux que, dans la bataille immunitaire, ces cellules font partie des premières victimes du VIH. Leur perte crée une brèche dans l’intégrité de la barrière intestinale et mène à une inflammation systémique.
« Mon but, c’est vraiment de diminuer l’inflammation chronique chez les personnes vivant avec le VIH. Pour ce faire, je travaille plus spécifiquement sur l’aspect métabolique du Th17 qui est très sensible notamment au métabolisme du glucose. »
Augustine Fert travaille avec la metformine, un médicament employé pour traiter le diabète de type 2 (comorbidité du VIH), bien toléré et déjà approuvé par la FDA. Elle limite aussi le vieillissement cellulaire, un des effets secondaires de la maladie.
« En utilisant la metformine, on espère diminuer l’activité du VIH dans les Th17 et ainsi réduire leur métabolisme. L’utilisation de la metformine pourrait permettre de réduire l’inflammation chronique observée chez les personnes vivant avec le VIH et sous trithérapie et améliorer leur qualité de vie. »
L’importance de la communauté
Avant d’étudier le VIH au centre de recherche, la scientifique n’avait pas conscience de la difficile réalité de vivre avec la maladie. Pour elle, comme pour beaucoup de personnes, celle-ci était maîtrisée par la trithérapie.
Grâce à l’implication de Petronela Ancuta et de Nicolas Chomont, chercheur au centre de recherche, au sein de CanCURE, le consortium canadien de recherche sur la guérison du VIH, Augustine Fert et ses collègues ont l’occasion de rencontrer régulièrement des personnes atteintes de VIH.
En discutant avec elles, tu te rends compte qu’elles prennent beaucoup de médicaments pour contrôler les effets secondaires causés par la trithérapie, sans parler des dépressions qui en découlent parfois.
C’est aussi l’occasion d’échanger de façon vulgarisée autour de nos projets de recherche fondamentale et de sonder leurs intérêts sur les travaux en cours.
« À Montréal, nous sommes chanceux : la communauté VIH est très impliquée dans la recherche et l’accès aux échantillons humains est assez facile. Avec mon projet, je peux voir que mes travaux pourraient avoir un impact à plus ou moins court terme sur la vie des personnes que j’ai rencontrées. »
Un futur à dessiner
« Ici, les infrastructures sont incroyables. Toute la recherche est condensée au même endroit. Pour moi, l’accès aux plateformes de métabolomique et de cytométrie, et surtout à l’expertise des personnes responsables, est un avantage indéniable par rapport à d’autres institutions. »
Dans quelques années, elle se voit bien associée de recherche.
« C’est un élément de repère important dans un laboratoire universitaire. J’aime encadrer les stagiaires, transférer mes connaissances et continuer à manipuler en laboratoire. Cela m’apporte un certain calme. »
D’ici là, elle souhaite faire un stage postdoctoral en industrie que ce soit en Europe ou en Amérique du Nord pour être exposée à d’autres façons de faire de la recherche.
Depuis l’écriture de son poème enfantin sur les microbes, Augustine Fert a su tracer son chemin dans le milieu de recherche. Où la mènera donc sa prochaine foulée?
Le VIH comme une évidence