Étudier le sommeil pour diagnostiquer plus tôt la maladie d’Alzheimer ou encore prédire la survenue de crises d’épilepsie, c’est le pari ambitieux de Valérie Mongrain, chercheuse au Centre de recherche du CHUM (CRCHUM). Retour sur ses travaux de recherche à l’occasion de la Journée internationale du sommeil.
Nous dormons près d’un tiers de notre vie, et, pourtant, de nombreux pans du sommeil demeurent encore inexpliqués. Les dernières avancées en neurosciences devraient permettre de décoder certains des mécanismes de cette fonction biologique essentielle à un bon état de santé.
L’équipe de Valérie Mongrain, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en physiologie moléculaire du sommeil et professeure au département de neurosciences à l’Université de Montréal, s’attelle ainsi à mieux comprendre les relations entre sommeil et santé.
« Avec Jonathan Brouillette, chercheur au campus principal de l’Université de Montréal, nous cherchons par exemple à identifier des biomarqueurs présents au début de la maladie d’Alzheimer. Pour ce faire, nous nous intéressons aux effets des oligomères bêta-amyloïdes sur les neurones et le sommeil », explique la chercheuse, dont le projet a été financé sur cinq ans par les Instituts de recherche en santé du Canada.
La littérature scientifique est claire : les oligomères de bêta-amyloïdes s’accumulent dans le cerveau une à deux décennies avant le diagnostic de la maladie d’Alzheimer.
Ces agrégats sont impliqués dans la perte de connexions — les synapses — entre les neurones, notamment dans l’hippocampe. Cette région du cerveau est impliquée dans le contrôle du sommeil et contribue à la mémoire dite explicite grâce à laquelle nous nous souvenons consciemment des choses.
« Bien que les personnes malades présentent des troubles de l’éveil et du sommeil, qui sont parmi les premiers symptômes cliniques observés, on ne sait pas quelle est la part de responsabilité des oligomères dans ces altérations. On parle ici d’insomnie ou de changements d’horaire de sommeil par exemple. »
Une signature cérébrale de la maladie
Pour le savoir, Audrey Hector, doctorante supervisée par Valérie Mongrain et Jonathan Brouillette, a d’abord injecté des oligomères de bêta-amyloïdes solubles dans l’hippocampe de jeunes rats mâles. Elle a ensuite procédé à des enregistrements électroencéphalographiques (EEG), une mesure de l’activité électrique du cerveau, afin de déterminer l’impact des oligomères sur les séquences de veille et de sommeil chez les rongeurs.
Dans leur étude publiée en octobre 2023 dans Alzheimer’s Research & Therapy, les scientifiques révèlent non seulement un changement de l’activité cérébrale pendant le sommeil et l’éveil, mais mettent aussi en évidence l’existence d’une signature électroencéphalographique spécifique de la pathologie.
« En clair, cette signature pourrait servir de biomarqueur pour identifier des individus à risque de développer la maladie d’Alzheimer, et ce, bien avant que le diagnostic de la maladie soit posé, dit Valérie Mongrain. Surveiller l’activité cérébrale à la recherche de cette signature pourrait être utilisé comme un outil de diagnostic non invasif et permettre des interventions thérapeutiques plus précoces. »
Si les EEG pendant le sommeil sont un peu plus compliqués, la chercheuse, impliquée dans le Réseau québécois de recherche sur le sommeil du Fonds de recherche du Québec – Santé, espère désormais trouver une signature suffisamment robuste pour pouvoir le faire en quelques minutes pendant la phase d’éveil.
Le sommeil, prédicteur de crise d’épilepsie
Après seulement un an passé au CRCHUM, Valérie Mongrain a déjà pu entamer des collaborations prometteuses, notamment avec le groupe d’Élie Bou Assi et du Dr Dang Khoa Nguyen, deux spécialistes de l’épilepsie au CRCHUM.
Ensemble, ils essaient de déterminer si le sommeil pourrait être un bon prédicteur des crises à venir. Ils s’appuient sur des EEG pris entre autres pendant les périodes de sommeil de personnes suivies pour troubles épileptiques à l’unité de monitoring d’épilepsie du CHUM.
« Grâce aux outils d’intelligence artificielle développés par Élie Bou Assi, nous cherchons s’il y a une signature EEG ou des altérations des ondes lentes pendant le sommeil qui nous permettraient de prédire avec fiabilité la survenue d’une crise, et d’avertir la personne de ne pas conduire ou d’aller au travail par exemple », explique Valérie Mongrain.
Et, ses aventures scientifiques ne s’arrêtent pas là.
On le sait : chez l’humain, les rythmes circadiens s’ajustent au cycle de lumière et d’obscurité qui passe par la rétine. Avec l’équipe d’Adriana Di Polo, une experte de la physiologie de la rétine au CRCHUM, la chercheuse explore actuellement la contribution de molécules d’adhésion, impliquées dans la régulation du sommeil, dans le fonctionnement de la rétine et de l’horloge biologique.
À mettre dans vos agendas
7e congrès de la Société canadienne de chronobiologie
Organisé par Valérie Mongrain et Petronela Ancuta
Du 25 au 27 mai 2025
Au CRCHUM