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Les médias nous le répètent en manchettes : la santé humaine est intimement liée à celle de l’environnement. Pour la plupart d’entre nous, cela évoque pollution, changements climatiques et maladies chroniques. Pourtant, notre santé est aussi influencée par notre quartier et notre activité professionnelle. Tour d’horizon des travaux de recherche de Lise Gauvin et Vikki Ho, du Centre de recherche du CHUM (CRCHUM).
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Lise Gauvin
Votre quartier influence-t-il votre santé?
Parcs à proximité, commerces à distance de marche, stations de vélos en libre-service au coin de la rue, autant de facteurs qui font que votre cadre de vie détient un « potentiel piétonnier »… ou non.
En clair, la façon dont est aménagé notre quartier peut nous inciter à mettre le nez dehors et à marcher. De quoi influencer notre niveau d’activité physique et, ultimement, notre santé.
« De nombreuses études le montrent : adopter de saines habitudes de vie dépend en partie d’objectifs personnels, mais même avec la meilleure volonté au monde, cela peut être difficile si l’environnement bâti n’y est pas adapté, et ce, qu’importe notre âge », dit la chercheuse Lise Gauvin, responsable de l’axe Carrefour de l’innovation et de l’évaluation en santé au CRCHUM et professeure à l’École de santé publique de l’Université de Montréal.
Par environnement bâti, les scientifiques veulent dire : les éléments de l’environnement construits par l’homme comme les espaces publics, les parcs, les habitations, les écoles, les commerces, les infrastructures de transport, etc.
Pour l’étude VoisiNuAge, qu’elle a menée avec des collègues de l’Université de Sherbrooke et de l’Université de Montréal, la chercheuse a suivi pendant trois ans plus de 520 personnes de plus de 65 ans habitant des zones urbaines d’Amérique du Nord et a évalué leur fréquence de marche.
« Les gens qui marchaient le plus habitaient dans des quartiers où les destinations possibles, notamment les commerces, restaurants et centres culturels, étaient proches les unes des autres. Il y avait donc une certaine densité de lieux à fréquenter. Et, plus une personne demeurait à proximité de ces services, plus les chances étaient grandes qu’elle marche tous les jours et qu’elle conserve cette pratique dans le temps », précise Lise Gauvin.
L’activité physique, une amie qui vous veut du bien
Près de 70 % de la population mondiale vivra dans des zones urbaines d’ici 2050, selon l’Organisation mondiale de la Santé. Les villes jouent donc, au travers de leur urbanisme, un rôle essentiel pour encourager la marche, et plus largement, l’activité physique chez ses habitantes et habitants.
Et de ce côté-là, la littérature scientifique est claire : faire de l’activité physique protège contre une série de maladies chroniques telles que le diabète de type 2, les maladies cardiovasculaires et certains cancers, et a également des effets bénéfiques sur la santé mentale.
Une santé mentale qui tient aussi à la présence ou non de lieux d’échanges sociaux qui permettent de réduire le stress et combattre la solitude.
« Avec notre étude, nous nous sommes rendu compte que la forte concentration de cafés, de centres communautaires ou même de bibliothèques dans l’environnement favorise une plus grande participation sociale, et par la même occasion, plus de marche. »
Si l’environnement bâti a certes une influence sur l’activité physique, habiter dans un quartier plus isolé ne vous empêchera pas d’être active ou actif. La marche dite de loisir exigera une dose de motivation et un peu de planification. Rien d’insurmontable! Mais, avis aux propriétaires en devenir : lorsque vous vous promènerez dans le quartier de vos rêves, observez attentivement l’environnement! Il pourrait avoir une influence plus importante que vous ne le pensez sur votre santé.
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Laura Pelland-St Pierre et Vikki Ho
Le travail, c’est la santé! Vraiment?
Saviez-vous que l’exposition prolongée sur votre lieu de travail à des polluants ou à des produits chimiques peut affecter votre santé? Vikki Ho, épidémiologiste au CRCHUM et professeure au Département de médecine sociale et préventive à l’Université de Montréal, s’y intéresse de près depuis des années. Elle suit des travailleuses et des travailleurs exposés et évalue si ces personnes ont plus de risques de développer des cancers.
« Je me concentre beaucoup sur la prévention. En analysant et en comprenant les risques que courent les gens, j’essaie de déterminer quels comportements ils pourraient adopter pour prévenir, dès le départ, le développement d’un cancer. Car, la science nous le dit : les effets de ces expositions sur la santé peuvent avoir une incidence sur le reste de notre vie », explique Vikki Ho, également titulaire de la Chaire de recherche en science du sexe et du genre des Instituts de recherche en santé du Canada.
Par exemple, dans une récente étude, la chercheuse et son équipe ont pu mieux comprendre les mécanismes de développement du cancer du poumon, une maladie pour laquelle un cas sur six est d’origine professionnelle. Rien à voir ici avec la fumée du tabac inhalée, mais plutôt avec certains des « ingrédients » que l’on y retrouve.
« En identifiant les composés chimiques responsables, nous sommes capables de réduire les expositions en milieu de travail, et ainsi protéger les travailleurs », précise Vikki Ho.
De nombreuses études ont montré que l’activité physique, bonne pour la santé cardiovasculaire, aide à se protéger du cancer du poumon, le plus mortel des cancers au Canada. De manière contre-intuitive, il a aussi été démontré que les personnes ayant un emploi physiquement exigeant ont un risque plus élevé de développer ce type de cancer.
« En fait, cela a beaucoup à voir avec leur environnement de travail. Dans certains secteurs d’activité, ces personnes peuvent être exposées à des substances cancérogènes à des concentrations plus élevées et pendant des périodes plus longues que la population générale. Cela peut augmenter leur risque de cancer, dit la chercheuse. C’est le cas, par exemple, des chauffeurs de taxi avec les émissions des moteurs à essence, ou des couturières avec les poussières de fibres synthétiques. »
Perturbateurs endocriniens dans la ligne de mire
Vikki Ho et la doctorante Laura Pelland-St-Pierre essaient de déterminer si l’exposition sur le lieu de travail à des perturbateurs endocriniens, des substances chimiques qui interfèrent avec le bon fonctionnement des hormones sexuelles, augmente le risque de cancer colorectal.
Leur recherche s’appuie sur les données des personnes participant au Partenariat canadien pour la santé de demain.
« Nous allons comparer le nombre de cas de cancer colorectal parmi les personnes qui ont été exposées à des perturbateurs endocriniens sur leur lieu de travail à celles qui ne l’ont jamais été. Avec notre analyse, nous devrions pouvoir dire si les perturbateurs endocriniens jouent ou non un rôle important dans le risque de cancer colorectal. Cela pourrait nous aider à trouver des stratégies de prévention. »
Les scientifiques savent que, dans certaines tranches d’âge, les hommes sont plus susceptibles de souffrir d’un cancer colorectal que les femmes. Cette différence de risque s’expliquerait en partie par des facteurs environnementaux et la variété des modes de vie, mais probablement aussi par l’influence des hormones sexuelles sur le développement de la maladie.
C’est ce que permettront de révéler les prochaines recherches de Vikki Ho et de son équipe.
Santé et environnement : dans la mire du CRCHUM
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