Recherches sur le cancer : le défricheur des horizons lointains

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Saviez-vous que près de 30 000 Canadiens et Canadiennes reçoivent un diagnostic du cancer du poumon chaque année? Le plus courant, le cancer du poumon non à petites cellules, représente entre 80 % et 85 % de tous les cas. Une récente étude clinique de phase 2, s’appuyant sur la thérapie anti-CD73, laisse entrevoir des résultats encourageants. Derrière le développement de cette immunothérapie : le chercheur John Stagg et son équipe du CRCHUM.

Dans les coulisses de l’immuno-oncologie, John Stagg fait figure de pionnier. Avec les scientifiques de son équipe, il a été le premier à montrer en 2010 qu’un anticorps dirigé contre l’enzyme CD73 permet de bloquer la production d’adénosine extracellulaire, et ainsi stimuler l’activité antitumorale du système immunitaire.

Par ce biais, les anticorps anti-CD73 participent au rétablissement d’un système immunitaire fonctionnel. Ils améliorent aussi l’efficacité des médicaments existants ciblant le point de contrôle PD-1.

Les lymphocytes T — des globules blancs — possèdent à leur surface une protéine appelée PD-1, un point de contrôle immunitaire qui les empêche d’attaquer une cellule normale ou cancéreuse si celle-ci présente en surface une autre protéine, la PD-L1.

Dans le cas du cancer du poumon non à petites cellules (CPNPC), les cellules de la tumeur disposent de beaucoup de PD-L1, qui les aident à se protéger d’une attaque du système immunitaire et de ses lymphocytes T. Ceci leur permet aussi de continuer à progresser dans le corps humain.

Des anticorps monoclonaux au parfum d’Australie

Dans l’étude clinique de phase 2 menée par Astra Zeneca, les résultats montrent que le durvalumab, un médicament ciblant le point de contrôle PD-1, associé à l’oleclumab, un anticorps monoclonal anti-CD73, a réduit de plus de 50 % le risque de progression de la maladie ou de mortalité chez les patients inopérables atteints d’un CPNPC de stade 3, par rapport au traitement standard. Ce stade avancé représente 25 % de tous les cas de ce cancer particulier.

« Pour moi, ces résultats préliminaires sont très encourageants. Et, de savoir qu’ils sont basés sur les découvertes de mon laboratoire me rend à la fois fier et heureux », dit John Stagg, professeur à la faculté de pharmacie de l’Université de Montréal et co-titulaire de la Chaire pharmaceutique Famille Jean-Guy Sabourin en santé des femmes.

Dès 2007, John Stagg, alors en postdoctorat à l’Université de Melbourne en Australie, s’engage dans la voie de l’adénosine. Un peu par hasard.

Sa conjointe, Sandra Pommey, travaille à l’époque dans un laboratoire spécialisé dans la transplantation. Elle y étudie l’adénosine extracellulaire, un régulateur de l’inflammation.

John Stagg flaire le bon filon. Il explore l’idée que cette voie de l’adénosine, dérivée de l’enzyme CD73, est aussi impliquée dans la progression de la tumeur.

Dans son étude publiée dans PNAS en 2010, il montre pour la première fois que la thérapie par anticorps anti-CD73 peut inhiber la croissance des tumeurs cancéreuses et des métastases des tumeurs. La preuve de concept est faite sur des cellules de cancer du sein.

À travers le monde, d’autres équipes de recherche arriveront après coup aux mêmes conclusions, renforçant le consensus scientifique sur la question.

Dans la cour des grands

Les découvertes de l’équipe dirigée par John Stagg ouvrent la porte au développement de plusieurs agents thérapeutiques ciblant la voie de l’adénosine extracellulaire.

À l’époque, l’Université de Melbourne ne juge pas nécessaire de protéger la découverte outre mesure. Une fois le brevet international provisoire échu en 2012, John Stagg est contacté par Astra Zeneca.

« Entre 2012 et 2014, mon équipe et moi participons au développement de l’oleclumab conjointement avec cette entreprise pharmaceutique. Nous travaillons aussi à identifier dans quels types de cancers, l’enzyme CD73 s’exprime. Un travail mené à bien grâce aux biobanques de tissus de cancers du CHUM mises sur pied par mes collègues Anne-Marie Mes-Masson et les Drs Diane Provencher, Fred Saad, Simon Turcotte et Jean-Baptiste Lattouf », précise le chercheur.

Depuis, de nombreuses autres entreprises pharmaceutiques ont fait leur entrée sur ce marché de niche. Aujourd’hui, au moins une trentaine d’études cliniques adoptant une approche thérapeutique anti-adénosine sont en cours dans le monde.

C’est d’ailleurs le cas à l’Unité d’innovations thérapeutiques (UIT) du CRCHUM.

Depuis 2015, l’« aventure thérapeutique » de John Stagg continue de plus belle au travers de ses travaux de recherche menés au CRCHUM et au sein de la jeune pousse de biotechnologie, Surface Oncology, qu’il a cofondée à Boston.

Rien ne semble pouvoir freiner son enthousiasme et son envie de découvertes. Loin, très loin des horizons australiens.

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