À l’occasion de la Journée mondiale de la santé mentale, découvrez comment Ciaran Murphy-Royal et son équipe de recherche travaillent à la prévention de la dépression en agissant sur les cellules du cerveau.
La littérature scientifique est claire : le stress chronique vécu dans l’enfance augmente le risque de maladie à l’âge adulte, qu’il s’agisse d’obésité, de cancer, de dépendance ou de dépression.
Au Centre de recherche du CHUM, Ciaran Murphy-Royal et son équipe essaient de prévenir la dépression en agissant sur les astrocytes, des cellules gliales du cerveau.
« Notre but est de comprendre l’impact du stress sur les astrocytes, des cellules non neuronales, pour déterminer si elles pourraient être une cible thérapeutique dans le cas de la dépression par exemple », explique Ciaran Murphy-Royal, chercheur de l’axe Cardiométabolique et professeur adjoint à l’Université de Montréal.
Et, pour s’intéresser au rôle des astrocytes dans les troubles comportementaux et dépressifs associés au stress chronique, il faut d’abord disposer d’un bon modèle d’étude. Cela tombe bien : l’équipe scientifique en a mis un au point.
Pour recréer en laboratoire des conditions de stress, Ciaran Murphy-Royal s’appuie sur de jeunes souris qui doivent vivre en l’absence de leur mère quelques heures par jour pendant 10 jours.
Cette carence de soins maternels intervient dans une période critique de développement cérébral pour les rongeurs, l’équivalent chez l’enfant d’un âge de 3 à 7 ans.
Mais les effets de ce stress ne s’observent pas immédiatement. Ils apparaissent plutôt deux mois plus tard.
« Une fois rendues jeunes adultes, les souris sont plus peureuses et réagissent plus négativement face à des événements indésirables. Elles montrent clairement des signes de déficience cognitive que ce soit au niveau de l’apprentissage ou de la mémoire », dit le chercheur.
La force des souvenirs stressants
Chez les personnes dépressives, les médecins remarquent souvent des troubles du sommeil associés.
Chez les souris qui ont souffert de stress chronique, c’est la même chose. Les données les plus récentes de l’équipe du chercheur suggèrent qu’après un stress, les mâles sont beaucoup plus actifs pendant la journée et la nuit et ont des
insomnies, tandis que les femelles sont beaucoup moins actives sont hypersomniaques, c’est-à-dire qu’elles dorment trop.
Chez ces souris, Ciaran Murphy-Royal et ses collègues se sont intéressés aux effets de la corticostérone, l’hormone du stress chez les rongeurs (l’équivalent du cortisol chez l’humain), sur le cerveau.
« Dans l’une de nos études, nous avons pu montrer que les astrocytes jouent le rôle d’un détecteur du stress très sensible et relaient l’information directement au cerveau. Et, ce qui est remarquable, c’est qu’en inhibant les récepteurs de stress sur ces cellules, les souris, exposées au stress durant leur enfance, retrouvent un sommeil normal et des capacités standards d’apprentissage et de mémoire. »
Une belle avancée scientifique, mais qui n’a aucune application clinique pour le moment.
Chez l’humain, le défi de contrecarrer les effets du stress chronique subi à un jeune âge s’avère plus complexe que chez les rongeurs, notamment parce que les récepteurs de stress se retrouvent sur de nombreuses autres cellules que les astrocytes.
La recherche à la croisée des chemins
L’équipe de Ciaran Murphy-Royal est désormais à la croisée des chemins : elle essaie de comprendre quels changements moléculaires s’opèrent et quelles voies de signalisation sont empruntées lorsque les astrocytes sont activés par des hormones de stress.
Pour identifier des cibles thérapeutiques plus précises, l’équipe envisage maintenant de collaborer avec d’autres équipes spécialisées en biologie moléculaire.
« Dans le laboratoire, nous aimerions évaluer les impacts sur les astrocytes des thérapies existantes comme les antidépresseurs pour soigner la dépression. Nous supposons que les astrocytes sont affectés et que cela pourrait être une voie à explorer pour améliorer l’efficacité de ces thérapies », dit Ciaran Murphy-Royal.
Et, ses étudiants vont plus loin encore : ils souhaiteraient tester des drogues psychédéliques (LSD, kétamine, psilocybine, etc.) et déterminer si cela modifie le fonctionnement des astrocytes et si, ultimement, cela a des conséquences sur la dépression.
À les entendre, on devine que le chercheur et son équipe ne manqueront pas d’idées pour débusquer de nouvelles cibles permettant d’atténuer les conséquences négatives du stress.
L’astrocyte, un acteur de premier plan
Dans une perspective publiée dans la revue Nature Neuroscience, Ciaran Murphy-Royal et deux de ses collègues de l’Université de Washington à Saint-Louis offrent un vent de fraîcheur au rôle joué par les astrocytes.
Longtemps, les scientifiques ont cru que ces cellules non neuronales étaient des acteurs secondaires, de simples soutiens aux synapses.
Le trio scientifique pense plutôt que les astrocytes sont des partenaires actifs qui aident les neurones à remplir leurs fonctions.
Ils agissent comme des détecteurs incontournables, sensibles aux variations des niveaux d’insuline, de glucose, d’oxygène ou de corticostérone par exemple, et sont capables de moduler le volume de l’activité neuronale en conséquence.