Une équipe de recherche montréalaise montre comment la molécule RORC2 permet au virus de persister dans les cellules immunitaires de personnes vivant avec le VIH.
Dirigée par la chercheuse Petronela Ancuta, du Centre de recherche du CHUM (CRCHUM), et le chercheur Ariberto Fassati, de la University College de Londres, l’équipe de scientifiques a pu établir le rôle clé joué par le facteur de transcription RORC2 dans l’infection par le VIH.
Dans cette infection, le virus se terre au cœur de cellules immunitaires, appelées lymphocytes T CD4+, qui lui servent de refuge et lui permettent de continuer à se multiplier.
Parmi les T CD4+, les cellules Th17, responsables de la défense et de la protection de l’intégrité des muqueuses, sont particulièrement permissives quant à la réplication du virus et participent à sa persistance. Jusqu’alors, rien n’expliquait ce phénomène.
«Nos résultats montrent que RORC2, la molécule qui régule les fonctions immunitaires des Th17, promeut l’expression du virus au sein de ces cellules en se liant à une région particulière du génome viral», dit Petronela Ancuta, professeure à la Faculté de médecine de l’Université de Montréal.
«En laboratoire, nous avons pu inhiber son action à l’aide de petites molécules pharmacologiques. Nous avons ainsi pu prévenir la réplication du virus dans les cellules T CD4+ de participants sains. Dans le même type de cellules, issues cette fois-ci de participants atteints du VIH et soumis à un traitement antirétroviral, nous avons pu limiter l’expansion virale.»
Cette preuve de concept, inédite dans ce domaine de recherche, sous-entend que le virus pourrait même exploiter RORC2 pour assurer sa survie chez les personnes vivant avec le VIH.
Les résultats de ces travaux ont été publiés dans le journal Proceedings of the National Academy of Sciences.
Le doctorant Tomas Raul Wiche Salinas, membre actuel de l’équipe de Petronela Ancuta, et le postdoctorant Yuwei Zhang, formé au laboratoire de la chercheuse, sont les deux copremiers auteurs de l’étude. L’équipe de recherche du CRCHUM a collaboré étroitement avec celle du Dr Jean-Pierre Routy, du Centre universitaire de santé McGill.
Tester les effets antiviraux
Dans de précédents travaux, l’équipe de Petronela Ancuta a démontré que les lymphocytes Th17 représentent l’une des premières cibles de l’infection par le VIH.
Dans la bataille immunitaire, ces cellules font partie des premières victimes du VIH. Leur perte crée une brèche dans l’intégrité de la barrière intestinale et mène à une inflammation systémique.
Quant aux lymphocytes Th17 infectés qui ont survécu, ils contribuent à la persistance des réservoirs du VIH en permettant au virus de se répliquer.
On parle alors de transcription virale résiduelle, un état d’inflammation chronique menant à des complications qui ne sont pas directement liées au sida, chez les personnes qui suivent un traitement antirétroviral. Les maladies cardiovasculaires sont un exemple de complications possibles.
«Nous avons comme objectif de limiter la transcription virale résiduelle dans les lymphocytes Th17. Actuellement, notre priorité est de tester les effets antiviraux des inhibiteurs de RORC2 dans un modèle préclinique», dit Petronela Ancuta.
Pour réaliser cette étape cruciale, l’équipe de la chercheuse a récemment reçu une subvention des Instituts de recherche en santé du Canada de près de 900 000 $ sur quatre ans. Elle pourra compter sur la collaboration d’Ariberto
Fassati, d’Éric Cohen (Institut de recherches cliniques de Montréal) et des Drs Elie Haddad (CHU Sainte-Justine) et Jean-Pierre Routy.
À propos de l’étude
L’article «Th17 cell master transcription factor RORC2 regulates HIV-1 gene expression and viral outgrowth», par Tomas Raul Wiche Salinas et Yuwei Zhang et leurs collègues, a été publié le 24 novembre 2021 dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences. Le financement de l’étude a été assuré par Neomed/GSK, l’Union européenne (projet HIVINNOV), le Consortium canadien de recherche sur la guérison du VIH (CanCURE) soutenu par les Instituts de recherche en santé du Canada, l’Université de Montréal, le Fonds de recherche du Québec ‒ Santé et la Fondation du CHUM.