« Nous avons mis au point une aiguille de biopsie optique capable de détecter immédiatement les tissus cancéreux avec une précision diagnostique de 84 % pour le cancer du cerveau », explique Frédéric Leblond, chercheur au Centre de recherche du Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CRCHUM) et professeur au Département de génie physique de Polytechnique Montréal.
Dans un article paru récemment dans Scientific Reports, de la famille des journaux Nature, les scientifiques présentent les résultats des premiers essais réalisés avec cet outil conçu en collaboration avec le neurochirurgien Kevin Petrecca à l'Institut et hôpital neurologiques de Montréal et la compagnie Medtronic.
« Une aiguille de biopsie commerciale avec un système de détection Raman intégré permet de prendre des mesures optiques lors de l'insertion de l'aiguille dans le cerveau, pour s'assurer que le chirurgien retire un échantillon de tissu qui représente bel et bien le cœur de la tumeur, et non du tissu sain périphérique. Nos essais chez l'animal et une dizaine de patients montrent qu'on détecte les tissus cancéreux contenant plus de 60 % de cellules cancéreuses avec une excellente précision », détaille Joannie Desroches, doctorante dans le laboratoire de Frédéric Leblond et première auteure de l'étude.
« Nous pensons que cette approche va diminuer les risques des procédures chirurgicales et possiblement éliminer un jour le besoin d'extraire un échantillon de tissu. On pourrait potentiellement déterminer le type et le grade de la tumeur simplement en interrogeant le tissu au bout de l'aiguille », fait valoir Frédéric Leblond.
Actuellement, une biopsie du cerveau est réalisée à l'aide de l'imagerie par résonnance magnétique (IRM). Des images préopératoires servent de plan pour guider le chirurgien, qui prélève un échantillon de tissu et l'envoie en pathologie pour valider le diagnostic, pendant que le patient attend une vingtaine de minutes sur la table d'opération. Mais pour obtenir un portrait exact du cancer auquel on a affaire, de son étendue et du stade de la maladie, il faut viser juste. Parfois, on rate la cible et on prélève du tissu sain.
Avec la méthode développée par l'équipe de Frédéric Leblond, fini les tâtonnements. On fait appel à la technologie de spectroscopie Raman, qui détecte la lumière diffusée par les cellules. Puisque les cellules cancéreuses et les cellules normales réagissent différemment à la lumière envoyée, elles présentent une signature moléculaire spécifique.
Les ingénieurs explorent maintenant l'avenue de l'intelligence artificielle pour perfectionner leur outil diagnostique. « Nous en sommes à bâtir une base de données pour comparer les résultats obtenus par la sonde avec les analyses pathologiques. L'objectif est de pouvoir guider l'aiguille vers l'endroit optimal pour faire un diagnostic précis de la tumeur. C'est un projet ambitieux, puisqu'il nous faut des centaines de données pour chaque type de tumeur », explique Joannie Desroches.
Les chercheurs espèrent que ce nouvel outil diagnostique pourra être mis en marché dans un horizon de cinq à dix ans. « Si les résultats sont concluants, cette approche permettra de rendre le diagnostic plus rapide, économique, précis et sécuritaire. Et surtout, nous pourrons mieux prédire le comportement des cellules cancéreuses et adapter le suivi et le traitement en conséquence », conclut Frédéric Leblond.