S’engager dans de bonnes causes, soigner les gens, ça fait du bien. On se sent utile, on reçoit de la reconnaissance. Mais est-ce possible d’en faire trop, au point de se rendre malade?
Extrait de l’édition Hiver 2020 du CHUMAGAZINE, consacrée à l’engagement.
La réponse est oui. L’usure de compassion guette autant les proches que les équipes soignantes ou les bénévoles.
Un peu de théorie
« L’usure de compassion englobe certains symptômes que l’on retrouve dans la dépression, jumelés à des symptômes propres au stress post-traumatique, explique Olivia Regnault, psychologue clinicienne au CHUM. Il s’agit d’une accumulation de stress lié au fait d’aider dans un contexte où l’on s’implique trop émotionnellement. On peut alors ressentir de la culpabilité (d’être soi-même en santé, de ne pas avoir été à la hauteur, etc.), un sentiment d’impuissance; on en vient à avoir une vision de soi négative, un sommeil perturbé, de l’irritabilité, une perte d’appétit. La limite est franchie, et l’usure s’installe. »
Danièle Bourque, intervenante en soins spirituels au CHUM, préfère parler d’usure d’empathie. « La compassion est un mode de vie, soutient-elle, une sorte de vocation; mais quand on vibre trop à la souffrance de l’autre, on risque de tomber dans l’usure d’empathie. »
Comment l’éviter?
Pénurie de main-d’œuvre en santé, proches aidantes et proches aidants déjà débordés par leurs responsabilités professionnelles et familiales qui souhaitent aider leurs proches, comment éviter l’usure?
Nathalie Privé est agente de gestion du personnel au CHUM, membre d’une équipe de soutien à l’amélioration continue en prévention (ÉSACP ─ une composante d’un projet appelé Virage prévention, mis en place par le ministère de la Santé et des Services sociaux). À ce titre, elle accompagne des gestionnaires et leurs équipes dans le maintien et le développement d’un environnement de travail sain, sécuritaire, mobilisant et attractif. L’usure de compassion fait partie de ses champs d’intervention. Pour elle, la prévention passe, entre autres, par une saine hygiène de vie et un bon réseau de soutien. « Il faut aussi apprendre à demander de l’aide, à ventiler, à reconnaître qu’on ne pourra pas sauver le monde, rappelle-t-elle. Et c’est vrai autant pour le personnel que pour les gens qui font du bénévolat ou aident des proches. »
Pour Olivia Regnault, bien se connaître et savoir quelles sont nos motivations est essentiel; il faut, à son avis, se bâtir des stratégies avant que n’apparaissent les symptômes d’usure. Elle rappelle que tout le monde est à risque de vivre l’usure de compassion, parce que, trop souvent, on connaît mal ses limites. « Prendre le temps de s’arrêter, de se poser quand la pression est trop forte, notamment lorsqu’on est sur la “ligne de feu” (urgence, soins intensifs, par exemple), est particulièrement aidant », renchérit Danièle Bourque. Cette dernière offre d’ailleurs des ateliers de méditation en pleine conscience à du personnel infirmier, le midi.
Quelques conseils
Danièle Bourque recommande de pratiquer la gratitude, qui mène à la bienveillance et réconforte. « On n’oublie pas de pratiquer cette bienveillance envers nous-même! », rappelle également Nathalie Privé, en ajoutant qu’il faut avoir confiance dans les capacités de l’autre de se prendre en charge. Olivia Regnault, pour sa part, nous met en garde contre les promesses : si on ne peut les tenir, on se sentira coupable, ce qui augmentera le risque d’usure.
Aidons, soutenons et faisons preuve de générosité – incluant avec nous-mêmes!
Du soutien pour tous les besoins
N’attendez pas qu’il soit trop tard! Des ressources existent, parfois tout près…
- Bénévoles : Après une intervention difficile émotivement auprès d’un patient ou d’une patiente, assurez-vous de faire un bon debriefing avec quelqu’un de l’équipe du Service du bénévolat, animation et loisirs qui a les compétences pour vous appuyer.
- Équipes du CHUM : Parlez-en à votre gestionnaire, trouvez des moments pour évacuer la pression avec des collègues ou encore profitez du programme d’aide aux employées et employés.
- Proches : Vous trouverez sur Internet de nombreux groupes de soutien, souvent liés à un type de maladie (p. ex. : maladie mentale, Parkinson, fibrose kystique). Le Regroupement des aidants naturels du Québec ouvre la porte de 93 organisations de soutien aux proches aidantes et proches aidants.
En faire trop jusqu’à se rendre malade
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