L’altération du sperme d’hommes exposés au DDT impacte la santé de leur descendance

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Sarah Kimmins

La chercheuse Sarah Kimmins et des collègues du Canada, d’Afrique du Sud et du Danemark ont montré comment l’exposition des hommes au DDT influençait l’épigénome de leurs spermatozoïdes et pouvait avoir des effets néfastes sur la santé de leurs enfants.

L’épigénome est l’information héréditaire qui est transmise à l’embryon lors de la fécondation et qui peut modifier son développement.

Utilisé comme insecticide pour lutter contre le paludisme, principalement en Inde et dans les pays africains, le DDT (dichlorodiphényltrichloroéthane) est désormais interdit dans le monde entier.

Ce produit chimique est si stable qu’il continue pendant des années à empoisonner l’environnement et se retrouve dans toute la chaîne alimentaire.

Au fil des ans, les chercheurs ont établi un lien entre l’exposition au DDT et les malformations congénitales, l’infertilité, le cancer et les retards de développement neurologique survenant dans la première génération. Mais, jusqu’à présent, les modes de transmission paternelle étaient peu connus d’un point de vue biologique.

Publiée dans la revue Environmental Health Perspectives, l’étude de l’équipe internationale a identifié chez les Inuits du Groenland et les Vhavendas d’Afrique du Sud, deux populations d’hommes indigènes, des altérations dans leur sperme au niveau de régions spécifiques de l’ADN impliquées dans le développement de maladies.

Cette première étude exhaustive de l’épigénome chez l’homme montre que des mécanismes similaires, observés chez les animaux et liés à des effets transgénérationnels délétères pour la santé, tels que le cancer et l’altération du développement neurologique, pourraient se produire chez l’homme.

L’excellente collaboration entre les équipes du Dr Jacquetta Trasler (Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill), de Christiaan de Jager (Université de Pretoria, Afrique du Sud) et de Gunnar Toft (Hôpital universitaire d’Aarhus, Danemark) et celle de la chercheuse du CRCHUM, Sarah Kimmins, professeure à l’Université de Montréal, a permis de franchir cette étape importante. La première auteure, Ariane Lismer, est son ancienne étudiante à l’Université McGill où les travaux de recherche ont été effectués.

Voies d’exposition différentes, mêmes effets

Sous-représentées dans les études génomiques, les deux populations d’hommes autochtones participantes sont exposées différemment au DDT.

Les Inuits du Groenland ont un régime alimentaire traditionnel à base de mammifères marins (baleines, morses et phoques) et sont indirectement exposés au p,p-DDE, un produit de dégradation du DDT, par le biais de sa bioaccumulation dans les chaînes alimentaires marines.

Les Vhavendas d’Afrique du Sud, eux, sont exposés plus directement, car le DDT est utilisé pour la pulvérisation résiduelle à l’intérieur des habitations afin de lutter contre les moustiques responsables de la transmission du paludisme.

En utilisant des méthodes de séquençage de pointe sur des échantillons de sang et de sperme de 47 hommes du Groenland et de 50 hommes d’Afrique du Sud, les scientifiques ont identifié des régions d’altération de l’ADN en relation avec les niveaux de DDT et de p,p-DDE dans le sérum. Ces « régions dégradées » sont susceptibles d’être transmises par les spermatozoïdes et de persister dans l’embryon.

Dans les études chez l’humain, il est difficile d’aller au-delà de l’association entre une altération épigénétique due à une exposition et un changement de fonction dans la descendance. En effet, il est souvent impossible d’accéder aux tissus de la génération suivante appariés à un père précis.

Pour surmonter cet obstacle, les scientifiques ont donc utilisé des ensembles de données provenant d’embryons préimplantatoires humains. Et, ils ont prédit si les régions altérées dans le sperme persistaient dans l’embryon et s’ils étaient donc impliquées dans l’hérédité épigénétique.

Un phénomène mondial

Les effets du DDT sur la santé humaine ne se limitent pas aux régions où il est employé, puisque ce perturbateur endocrinien est transporté sur de longues distances par les conditions météorologiques et les courants océaniques.

Dans les régions du monde où le paludisme n’existe pas, la contamination par le DDT peut tout de même être observée en raison de sa lente dégradation et de son accumulation dans la chaîne alimentaire.

Les produits chimiques, bien que provenant principalement du Sud, s’accumulent dans l’Arctique et se concentrent dans les animaux situés en haut de la chaîne alimentaire, comme les baleines, les phoques et les ours polaires.

Comme elles dépendent de ces types d’aliments et les consomment en grande quantité, les populations inuites du nord du Canada sont exposées indirectement au DDT. Cela pourrait avoir un impact sur la santé des futures générations.


À propos de l’étude 

The Association between Long-Term DDT or DDE Exposures and an Altered Sperm Epigenome—a Cross-Sectional Study of Greenlandic Inuit and South African VhaVenda Men,” par Ariane Lismer et ses collègues a été publié en ligne le 31 janvier 2024 dans la revue Environmental Health Perspectives. L'étude a été financée principalement par les Instituts de recherche en santé du Canada.

 

Rédaction : Bruno Geoffroy

 

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