Mieux choisir les virus utilisés en laboratoire pour combattre le VIH
Selon Andrés Finzi et ses collègues du Centre de recherche du CHUM, le type de virus utilisé comme modèle pour étudier l’efficacité des anticorps non neutralisants contre le virus responsable du sida joue un rôle primordial.
Dans l’étude publiée dans Cell Reports, l’équipe de scientifiques montre pour la première fois in vivo sur des souris humanisées que l’expression de la protéine virale Vpu est essentielle pour permettre aux cellules infectées d’échapper au mécanisme d’élimination connu sous le nom de cytotoxicité à médiation cellulaire dépendante des anticorps (ADCC).
Ce mécanisme, bien répertorié dans la littérature scientifique, est employé entre autres par les anticorps non neutralisants pour se débarrasser de cellules infectées par le virus.
Pour mettre au point un vaccin contre le virus de l’immunodéficience humaine ou VIH-1, de nombreux laboratoires misent aujourd’hui sur l’utilisation de cette même catégorie d’anticorps afin de déclencher une importante réponse immunitaire. De récentes études suggèreraient même qu’elle serait capable de modifier le cours de l’infection par le VIH-1.
Des millions de personnes vivent aujourd’hui avec le VIH-1 et disposent d’anticorps non neutralisants. Elles n’ont pourtant pas éradiqué la maladie. Alors, comment est-ce possible?
Il n’en fallait pas plus pour piquer la curiosité du doctorant Jérémie Prévost, premier auteur de l’étude et membre de l’équipe du chercheur Andrés Finzi, auteur principal et professeur à l’Université de Montréal.
Un manque d’expression fatal
« Nous avons constaté que le virus modifié du VIH-1 utilisé dans certaines expériences de laboratoire n’exprime pas Vpu. Or, dans le virus à l’état naturel, cette protéine joue le rôle d’une vraie garde du corps de la cellule infectée. Une fois exprimée, elle lui permet de se répliquer et l’aide à se protéger en la faisant passer sous le radar du système immunitaire », dit Andrés Finzi, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en entrée rétrovirale.
De fait, les résultats de l’étude menée par Jérémie Prévost démontrent qu’en exprimant la protéine Vpu dans les cellules infectées, les anticorps non neutralisants reconnaissent beaucoup moins bien in vivo ces cellules. Ces dernières échappent ainsi à la réponse ADCC.
Des expériences réalisées à la faculté de médecine de l’Université de Yale par Priti Kumar, collaboratrice de Finzi, sur des souris humanisées ayant reçu des anticorps non neutralisants, ont confirmé cette observation. Seuls les animaux infectés par un virus où Vpu ne s’exprimait pas voyaient leur charge virale diminuer contrairement à celles infectées par un virus à l’état naturel.
Portes closes pour les anticorps
Une constatation qui fait écho aux travaux de recherche précédents de l’équipe.
En 2013, l’équipe d’Andrés Finzi avait déjà montré que les cellules infectées sont protégées de la réponse ADCC, car l’enveloppe du virus reste fermée sous l’action de Vpu et de la protéine Nef, une seconde garde du corps. Bien à l’abri, la cellule infectée demeure introuvable par les anticorps environnants.
« En laboratoire, si Vpu n’est pas exprimée dans le virus que tu utilises, l’enveloppe de la cellule infectée va s’ouvrir. Sans protection, elle subira alors les attaques des anticorps. C’est pourquoi certaines équipes de recherche ont pu observer des résultats étonnants avec des anticorps non neutralisants. Dans la vraie vie, le VIH est toujours sur ses gardes grâce à ses deux gardes du corps, Vpu et Nef », rapelle Andrés Finzi.
Le chercheur et son équipe croient d’ailleurs que l’information capitale apportée par cette étude devrait être prise en compte dans le développement de futurs vaccins contre le VIH-1 et dans les stratégies d’éradication du virus.
Selon l’Organisation mondiale de la santé, plus de 38 millions de personnes vivaient avec le virus responsable du sida à la fin de 2021.
À propos de l’étude
L’article « HIV-1 Vpu restricts Fc-mediated effector functions in vivo », par Jérémie Prévost et leurs collègues, a été publié le 8 novembre 2022 dans la revue Cell Reports.
Le financement de l’étude a été assuré par les Instituts de recherche en santé du Canada, la Fondation canadienne pour l’innovation et les National Institutes of Health (NIH) des États-Unis.
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