VIH : Un antidiabétique facilite la reconnaissance des réservoirs par le système immunitaire

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Petronela Ancuta et Augustine Fert

Petronela Ancuta, professeure à l’Université de Montréal, et Augustine Fert, première auteure

La metformine, employée pour traiter le diabète de type 2, pourrait accélérer la diminution du réservoir viral et aider à l’éliminer chez les personnes vivant avec le VIH et sous trithérapie, selon une équipe du CRCHUM.

En 2021, l’équipe dirigée par la chercheuse Petronela Ancuta avait déjà montré que ce médicament antidiabétique, administré pendant trois mois chez ces personnes, améliorait leur fonction immunitaire et réduisait l’inflammation chronique habituellement associée à des complications, comme les maladies cardiovasculaires.

Ces bienfaits sont en partie dus au fait que la metformine inhibe l’activité de la molécule mTOR (Mechanistic Target of Rapamycin) et permet ainsi de freiner considérablement la réplication du VIH dans les cellules de patients infectés par le virus.

Dans la revue iScience, Petronela Ancuta, professeure à l’Université de Montréal, et son étudiante Augustine Fert, première auteure de l’étude et titulaire récente d’un doctorat, vont plus loin. Elles ont étudié les mécanismes moléculaires d’action de la metformine sur la réplication du VIH dans les lymphocytes T CD4, des cellules du système immunitaire qui servent d’abri au virus.

Dans ces réservoirs viraux, le VIH continue de se multiplier et participe à la chronicité de l’inflammation en activant constamment le système immunitaire.

« Les résultats de nos tests menés in vitro sur des cellules de personnes vivant avec le VIH sous trithérapie nous ont d’abord surpris. Ils étaient paradoxaux. La metformine avait à la fois un effet proviral et antiviral. Nous avons constaté qu’elle participait à l’augmentation de la fréquence de cellules infectées par le VIH tout en empêchant le virus de s’échapper de la cellule », dit Petronela Ancuta.

Des anticorps à la rescousse

La metformine a un autre avantage : elle surexprime la protéine BST2 qui agit comme une sorte de glu pour garder les virions accrochés à la surface des cellules infectées par le VIH. Elles deviennent alors visibles du système immunitaire et peuvent être ciblées par les anticorps.

« Avec mon collègue Andrés Finzi, nous avons testé plusieurs anticorps anti-VIH neutralisants à large spectre pour leur capacité à reconnaitre des cellules portant le réservoir viral après exposition à la metformine in vitro. Certains ont très bien reconnu le virus et seraient capables d’attirer et de déclencher la destruction des cellules infectées par les cellules NK via un processus de cytotoxicité cellulaire », explique Petronela Ancuta.

Attaquer le virus en trois étapes

Selon la chercheuse, ces récentes avancées scientifiques permettraient d’envisager la stratégie d’éradication de type « shock and kill », souvent évoquée dans la lutte contre le VIH, sous une lumière différente.

« Chez les personnes vivant avec le VIH et sous trithérapie, nous pourrions recourir à la metformine pour réactiver les cellules réservoirs responsables de la réplication virale, en combinaison avec des anticorps, déjà utilisés en clinique et bien tolérés, pour détecter les rares cellules infectées et les éliminer ».

Dans une future étape de recherche, elle souhaiterait lancer un essai clinique pour valider ses résultats de recherche obtenus in vitro en collaboration avec le Dr Jean-Pierre Routy de l’Institut de recherche du CUSM, et les chercheurs Andrés Finzi et Nicolas Chomont du CRCHUM. Cette stratégie doit d’abord être testée dans des modèles précliniques.


À propos de cette étude  

« Metformin facilitates viral reservoir reactivation and their recognition by anti-HIV-1 envelope antibodies » par Augustine Fert sous la supervision de Petronela Ancuta et de ses collègues, a été publié en ligne le 8 août 2024 dans la revue iScience.

Ces travaux de recherche ont été financés par les Instituts de recherche en santé du Canada, le Consortium canadien de recherche sur la guérison du VIH (CanCURE), la Canadian Foundation for AIDS Research (CANFAR), l’International AIDS Society (IAS), les Fonds de recherche du Québec et la Fondation du CHUM.

Ils ont été appuyés par Dominique Gauchat, Philippe Ste-Onge et Gaël Dulude de la plateforme de cytométrie, et d’Olfa Debbeche et Laurent Knafo de la plateforme de niveau de confinement 3 (NC3), ainsi que Mario Legault du Réseau VIH/SIDA-Maladies infectieuses.
 

Rédaction : Bruno Geoffroy

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